Le vert malade du CHU Sainte-Justine

Un article ^[1] paru cette semaine nous apprend que seul le CHU Sainte-Justine n’a pas fait de déficit à Montréal en 2018-2019. Sainte-Justine est financièrement dans le vert, mais certainement un vert malade. C’est que cet équilibre budgétaire a un coût. Un coût humain.

Le plus grand Centre Mère-enfant au Canada a rarement autant défrayé la chronique que cette année. Les années de compressions budgétaires se ressentent de plus en plus sur les soins donnés aux enfants. C’était déjà le cas avec la situation catastrophique des salles d’opération ^[2] fonctionnant à rendement réduit faute de personnel en avril dernier. Sans oublier l’incohérence de la gestion des cliniques externes qui a un impact sur les familles qui reçoivent les services du CHU Sainte-Justine. Par exemple, les listes d’attente continuent d’augmenter alors que l’employeur a choisi de fermer des lits durant l’été pour mieux économiser.

Autre exemple : au courant de la dernière année, c’est près de 150 quarts de travail pour une période budgétaire qui n’ont pas été comblés par le personnel régulier de l’unité des naissances. Cela n’a certainement pas aidé à assurer le transfert d’infirmières vers le centre de La Sarre en Abitibi ^[3].

Rajoutons à cela que malgré les surplus, la direction refuse d’améliorer les conditions de travail des professionnel-les en soins et de l’ensemble du personnel épuisé de Sainte-Justine. Elle refuse notamment de corriger les salaires d’au moins une cinquantaine d’infirmières cliniciennes. Elle impose un système de gardes forçant certaines infirmières détenant une spécialisation à faire jusqu’à 80 heures de garde sur une période de 28 jours, en plus de leur temps complet. De plus, une volonté patronale de mobilité du personnel force parfois des infirmières inexpérimentées à pratiquer dans des situations où elles n’ont pas l’expérience nécessaire. Tous les ingrédients sont là pour avoir un cocktail explosif ne pouvant que culminer par l’épuisement du personnel en soins infirmiers et cardiorespiratoires.

Cette folie de l’équilibre budgétaire à tout prix doit cesser. Encore la semaine dernière, le syndicat apprenait des coupes prévues de 5,4 millions de dollars pour l’année à venir. Nous verrons donc l’épuisement du personnel d’un des quatre plus importants centres pédiatriques en Amérique du Nord augmenter encore. C’est pourtant tout le contraire qu’il faut faire. Il faut permettre au personnel du CHU Sainte-Justine, qui chaque jour en prend toujours plus sur ses épaules, de pouvoir continuer d’offrir des soins de qualité aux enfants. Il faut arrêter cette hémorragie avant que l’héritage d’Irma Levasseur et de Justine Lacoste-Beaubien ne soit plus qu’un souvenir.

Sophie Leclair, présidente du Syndicat des professionnel-les des soins infirmiers et cardiorespiratoires du CHU Sainte-Justine – CSN et Félix-Olivier Bonneville, représentant des professionnel-les en soins à la Fédération de la santé et des services sociaux (FSSS-CSN)