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    • 16 OCT 18
    Leçon santé pour le gouvernement Legault

    C’est cette semaine que François Legault nommera qui formera son conseil des ministres. Nous avons certainement hâte de savoir qui seront les ministres avec qui nous aurons affaire dans les prochaines années. J’ai surtout hâte de voir quelle direction prendra le gouvernement Legault. Gouverner dans un contexte où le gouvernement précédent a laissé d’immenses insatisfactions sur le plan de la détérioration des services publics n’est pas chose facile. Cette semaine, j’ai envie de vous parler de ce qui se passe chez nos voisins du sud pour péter dès maintenant une balloune du gouvernement caquiste : le recours plus important au privé.

     

    L’exemple à ne pas suivre : les États-Unis de Trump

    « Un système de santé socialiste, ça ne fonctionne nulle part dans le monde. » C’est de cette manière que Donald Trump a parlé du système de santé canadien la semaine dernière dans un de ses rassemblements partisans où il multiplie les attaques contre tous ceux et celles qui ne disent pas comme lui.

    Trump a laissé entendre que bien des Canadiens et Canadiennes se rendent aux États-Unis pour être soignés. S’il est vrai que notre réseau a des problèmes d’accès, ouvrir la porte au privé ne ferait qu’empirer les choses. C’est certain que ceux qui ont les moyens peuvent passer plus vite dans un système privé. Ils sont alors poussés à consommer des soins qu’ils n’ont pas besoin, histoire que le privé fasse des profits. Mais pour tous les autres, qui sont l’immense majorité de la population, il y a de réels drames humains au rendez-vous dans le système états-unien.

    Une nouvelle étude parue dans le American Journal of Medicine rapporte que plus de 40 % des gens atteints de cancers aux États-Unis épuisent toutes leurs économies deux ans après l’annonce du diagnostic. Pour rester en vie et obtenir des traitements, plusieurs patient-es doivent donc jongler avec la faillite. L’étude montre de plus les impacts cliniques très négatifs de ce système où le privé est roi et maître. Comme plusieurs peinent à payer pour leurs traitements, le cancer évolue beaucoup plus rapidement que s’il avait été pris en charge convenablement. Voilà à quoi mène un système où il faut payer de sa poche pour obtenir des soins.

    Ces drames humains sont une facette souvent cachée quand il est question du privé en santé. À cela, il faut ajouter qu’un système de santé privé comme celui de nos voisins coûte beaucoup plus cher par habitant qu’un système « socialiste » comme le nôtre. « En 2017, 17,8 % du produit intérieur brut (PIB) était dédié aux dépenses de santé, contre 11,5 % au Canada, alors qu’en moyenne les Américains vivent 4 années de moins qu’un Canadien et que leur espérance de vie diminue depuis 2015. »

     

    Sortir du mythe du privé pour sauver le public

    En juin dernier, c’était notre congrès. Nous avions invité les quatre partis ayant des député-es à l’Assemblée nationale à venir discuter avec nos congressistes. La CAQ, le PQ et QS ont répondu présents, alors que Gaétan Barrette a annulé sa présence à la dernière minute. Les partis ont alors pris des engagements pour améliorer le sort du personnel du réseau.

    C’est François Paradis qui représentait la CAQ. Notre monde avait hâte de savoir ce que son parti propose, entre autres sur la place du privé en santé. La réponse de monsieur Paradis n’était pas très surprenante : pour la CAQ, le privé va avoir un rôle important à jouer dans le système de santé. Ce serait le cas pour des cliniques privées, mais éventuellement aussi pour privatiser certains services comme les buanderies et les cuisines.

    Durant la campagne, on a justement appris que le modèle des maisons des aîné-es de la CAQ pourrait se concrétiser sous le modèle des PPP. Quand on connaît l’ampleur des ratés des CHU en PPP et du CHSLD Saint-Lambert-sur-le-golf, ce n’est pas surprenant que la CAQ ne se soit pas vantée de ça lors de son annonce. Ce qui est plus surprenant, c’est que certains continuent d’alimenter le mythe comme quoi le privé va venir sauver le public.

    Pourtant, ça fait assez longtemps qu’on a essayé le privé en santé. Si ça marchait, ça se saurait !

    L’héritage laissé par le gouvernement libéral ne laisse pas de marge de manœuvre au nouveau gouvernement pour se tromper quant aux services importants offerts par le public, comme ceux offerts par nos membres. Si le gouvernement Legault veut aller de l’avant en ouvrant davantage la porte au privé en santé, cela nous fera plaisir de lui faire le bilan des expériences désastreuses du recours au privé dans les dernières années. Je me ferai aussi un plaisir de lui rappeler qu’on ne veut surtout pas se ramasser avec un système qui est bon pour les Trump de ce monde pour mieux entraîner la faillite du monde ordinaire.

    Jeff Begley, président de la FSSS-CSN