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Négo 2020 : ne pas tomber dans le piège du gouvernement

7 novembre 2019

La négociation du secteur public débute et la stratégie gouvernementale se dessine. En mettant l’accent sur les surplus qui appartiendraient à la population et pas au personnel du secteur public, le gouvernement nous tend un piège qu’il faut éviter.

La semaine dernière, nous avons déposé notre projet de négociation [1] au gouvernement Legault. Notre proposition est audacieuse et tient compte de la capacité de payer l’État. Mais surtout, ce sont des demandes qui visent à mettre fin à la crise dans le réseau de la santé et des services sociaux.

Sur la question de la prochaine négociation, le gouvernement envoie toutes sortes de signaux, dont plusieurs qui sont en contradiction les uns avec les autres. Ce billet de blogue n’est pas sur la justesse de nos demandes (elles sont bien réfléchies et juste par ailleurs), mais bien sur la stratégie gouvernementale.

La fameuse question des surplus

Le premier ministre du Québec a dit à la mi-septembre, « Les surplus appartiennent aux Québécois ; ils n’appartiennent pas aux groupes de pression ; ils n’appartiennent pas aux syndicats » [2]. Ça, c’est une vérité incontestable [3]. Mais que voulait dire notre PM au juste ?

Lorsqu’on combine cette déclaration avec celle qu’il a faite lors du déclenchement des élections partielles [4] dans la circonscription de Jean-Talon à Québec, je pense qu’il y a une tendance qui commence à se pointer à l’horizon. Rappelons que lors du déclenchement de cette élection, M. Legault a essentiellement dit qu’il voulait que la population de Jean-Talon valide son mantra depuis les élections, soit de remettre une partie des surplus : « dans les poches des contribuables ».

Il nous serait permis, de façon légitime, de penser que de mettre de l’argent « dans les poches des contribuables » veut dire baisser les impôts ou du moins enlever des revenus récurrents à l’État. Soyons clairs. Si c’est l’intention du premier ministre, ce serait une très mauvaise décision pour la population. Enlever des revenus à l’État comme semble le proposer le gouvernement, fera en sorte que nous ne sortirons pas du sous-financement de nos services publics, problème qui est devenu chronique [5]. Si le gouvernement enlève des revenus à l’État sans proposer de manière d’aller en chercher de nouveaux auprès des plus riches de notre société, nos services publics vont encore payer le prix.

Ce serait très clairement le retour aux mesures d’austérité prônées par le gouvernement Couillard. Les services de santé, les services sociaux, de l’éducation et les services de garde continueraient d’en souffrir. En plus, nous savons qu’il y a un travail important et non reconnu fait par les fonctionnaires de l’État et qui est la cible constante de nos gouvernements depuis quelques décennies. Ce travail continuerait de faire les frais de cette austérité.

Pourquoi la CAQ a été élue ?

Avant que l’histoire ne soit réécrite par ce gouvernement, rappelons-nous les raisons principales pour lesquelles il a été élu il y a un an. Il y en a deux à mon avis.

D’abord, l’ex-ministre de la Santé et des Services sociaux, Gaétan Barrette, n’était plus « sortable ». La réforme Barette est une réforme technocratique désastreuse pour la proximité et la qualité des services, ainsi que pour les conditions dans lesquelles le personnel travaille.

Il y a une exception dans le portrait libéral en santé : les médecins. La fraternité des docteurs Couillard et Barrette a permis aux médecins de très bien s’en sortir sur le plan de l’enrichissement personnel. Rappelons que le premier ministre Legault a promis lors de la campagne électorale de récupérer 1 milliard de ce groupe. Nous attendons toujours une action là-dessus.

Pour la population, il fallait un nouveau gouvernement pour défaire les dégâts causés par la réforme Barrette. Si le premier ministre ne se rappelle pas des dégâts de cette réforme, je l’encourage à parler avec les ministres McCann, Blais et Carmant, qui doivent, j’imagine, se faire rappeler tous les jours à quel point il y a du travail à faire dans le réseau.

La deuxième raison importante pour laquelle le gouvernement de la CAQ a été élu est la détérioration dans le réseau de l’éducation. L’état de nos écoles, à tous les niveaux, est très préoccupant pour la population. Dans toutes les régions du Québec, le manque de ressources enseignantes et de soutien dans toutes ces formes fait cruellement défaut.

La CAQ a eu la faveur d’une minorité importante de la population (1 509 455 votes sur 6 169 772 personnes inscrites sur la liste électorale), parce qu’elle a promis de faire quelque chose aussi dans l’éducation. Si le premier ministre s’en doute, qu’il parle avec son ministre de l’éducation et son ministre de la Famille. Je suis convaincu qu’eux aussi, ils se font rappeler tous les jours que la population est pressée de voir des améliorations dans ces services si essentiels pour nos très jeunes et l’organisation de la vie des jeunes familles.

Sans les ravages faits par le précédent gouvernement en santé et en éducation, je présume que la CAQ est capable de reconnaitre que les résultats du scrutin de 2018 auraient pu être bien différents.

Le sort du gouvernement Couillard aux dernières élections devrait inspirer la CAQ. Ils ont imposé des mesures d’austérité tout au long du mandat pour mieux favoriser les retours d’impôts les élections venues. Pourtant, c’est surtout le ravage dans les services publics que la population a gardé en tête au moment de voter.

Surplus, pas surplus, nos demandes sont la solution !

Le premier ministre a orienté le discours public sur les surplus budgétaires. C’est très habile à mon avis. Je dois dire que même moi, au début, je suis tombé dans le panneau. Les surplus peuvent faire partie d’un début de solution pour les problèmes nommés ci-dessus. Mais à moyen terme, si le gouvernement n’a pas de plan d’action pour améliorer de façon permanente l’état des réseaux de la santé et de l’éducation, nous allons tomber dans les mesures d’austérité à nouveau, et ce, avant même les prochaines élections. Si les surplus ne sont pas utilisés de façon structurante pour effacer les dégâts de l’austérité, on risque fort d’accentuer encore les inégalités sociales.

Il faut que le gouvernement de la CAQ nous indique clairement son orientation. Est-ce que sa priorité est de remettre de l’argent dans les poches des contribuables via des retours d’impôts et le retour à court terme à des mesures d’austérité ? Ou si sa priorité est de respecter ses promesses d’améliorer la situation dans nos réseaux de la santé, des services sociaux et de l’éducation ? Si c’est le cas, il faut investir rapidement dans ces services, ainsi que dans le personnel qui les livre.

Économie 101. On ne peut pas à la fois investir et réduire les revenus. Même avec les surplus, c’est mission impossible. Il faut forcer le gouvernement de nous donner des indications dans les prochaines semaines. Nos membres sont en droit de savoir où il se situe sur cette question. La population a aussi le droit de savoir.

Jeff Begley

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URL de l'article: https://fsss.qc.ca/nego-2020-piege-gouvernement/

URL de cette publication.

[1] notre projet de négociation: https://fsss.qc.ca/nego-2020-marathon-commence/

[2] « Les surplus appartiennent aux Québécois ; ils n’appartiennent pas aux groupes de pression ; ils n’appartiennent pas aux syndicats »: https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1299881/francois-legault-negociation-salaires-fonctionnaires

[3] une vérité incontestable: https://www.lesoleil.com/chroniques/brigitte-breton/surplus-budgetaires-ni-aux-syndicats-ni-a-la-caq-cca2187b9b76c1703f858dbdd02e9d99

[4] déclenchement des élections partielles: https://www.journaldequebec.com/2019/10/25/jean-talon-une-occasion-dappuyer-la-loi-21-plaide-legault

[5] problème qui est devenu chronique: https://fsss.qc.ca/budget-investir-personnel-manque-gagner/

[6] Image: https://fsss.qc.ca/grands-dossiers/negociations-du-secteur-public/

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