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    • 24 MAI 18
    Le projet Optilab ou comment diviser pour mieux régner

    Dans le cadre de la campagne Assez! Personnel surchargé, j’ai sollicité les syndicats des professionnel-les et technicien-es afin qu’ils prennent le temps de partager leur réalité. Lors de notre rencontre, Patrick semblait particulièrement inquiet des conséquences d’Optilab dans sa région. Je vous partage donc son témoignage qui lève le voile sur les conséquences catastrophiques de la reforme Barrette à la Baie-James.

    Marie Pagès

     

    Diviser pour mieux régner est une tactique politique vieille comme le monde et je dois dire que notre dernier gouvernement a bien réussi à ce niveau. Nous avons juste à nous regarder aller dans nos milieux de travail. C’est maintenant de plus en plus du chacun pour soi pour réussir à survivre à la réforme Barrette.

    Il devient extrêmement difficile de nous exprimer (sans retenue) sur nos conditions de travail. Il me vient à l’esprit l’histoire d’une collègue (agente administrative) qui a librement exprimé son mécontentement sur les médias sociaux à la suite d’un article concernant le projet Optilab. Elle a rapidement été rencontrée par les ressources humaines et a dû retirer son commentaire sous peine de sanctions pour manque de loyauté envers l’employeur. Elle avait écrit : « maudit gouvernement de merde ». Donc, rien en lien avec son employeur, le Centre régional de santé et de services sociaux de la Baie-James (CRSSSBJ). Comme quoi nos employeurs ont tendance à élargir grandement la notion de loyauté… jusqu’à appuyer bêtement toute décision gouvernementale.

     

    Un projet qui fait mal au personnel et aux services

    Optilab fait mal partout dans nos milieux. Notre réalité territoriale fait en sorte que les spécimens doivent voyager de long kilomètre afin d’être analysés. Les spécimens sont perdus ou les délais de livraison sont trop longs, par exemple. Ces difficultés nous obligent à effectuer de nombreuses tâches administratives et démarches pour que les spécimens soient repris chaque fois. Les transporteurs privés ont eux aussi de la difficulté à nous offrir un service de qualité. D’ailleurs, une glacière de banque de sang, servant à la gestion de la péremption de produits sanguins, valant plus de 500 $, a été égarée par un de nos transporteurs dernièrement.

    Toutes ces « acrobaties » que je dois faire maintenant avec mes spécimens sont en train de faire de moi un acrobate expert en logistique de transport. Je travaille à Lebel-sur-Quévillon. Avec Optilab, nos patientes et patients partiront recevoir des soins spécialisés en Abitibi et leurs spécimens prendront le chemin inverse soit vers Chicoutimi. Expliquez-moi la logique derrière cela ?

    Au travail, le sentiment d’isolement se fait de plus en plus sentir. Nous n’avons plus le droit d’utiliser l’une des voitures du CRSSSBJ pour nos besoins de formations et/ou pour dépanner Matagami ou pour eux de venir nous dépanner en cas de manque de personnel. Notre chef de service qui est basé à Roberval pensait avoir trouvé la solution en nous suggérant de louer une voiture. Le seul hic, c’est que ce genre d’établissement le plus proche est à plus de 150 kilomètres.

     

    Optilab au cœur d’un projet pour s’en prendre à nos conditions de travail

    Avant Optilab, comme nous étions encore des employé-es du CRSSSBJ à Lebel-sur-Quévillon et qu’il n’y a pas de caisse enregistreuse à la cafétéria, nous avions la possibilité de faire déduire le prix de nos repas pris à l’établissement directement sur notre paie. Maintenant, nous recevons un état de compte. Malgré nos besoins modestes en papeterie, le personnel administratif aurait été avisé de vérifier à ce que nous ne prenons rien. Malgré nos demandes répétées, notre laboratoire souffre cruellement d’un manque d’entretien. Pour ce qui est des vitres donnant sur l’extérieur du labo, c’est moi qui les lavent maintenant pendant mes pauses.

    Syndicalement parlant ce n’est guère plus facile. Même si nous n’avons toujours pas accès à l’intranet du CIUSSS du Saguenay Lac-Saint-Jean, on me refuse l’accès au courrier de mon syndicat sous prétexte que je ne suis pas un de leurs employés. Je n’ai même pas de local dédié au syndicat. Je ne peux pas non plus siéger au comité de relations de travail du CRSSSBJ pour les mêmes raisons, et ce, même si j’en suis le président.

    J’imagine bien qu’une négociation locale (alors que la convention est échue depuis 2007 ici) ne sera pas facile. Notre expertise est de moins en moins prise en compte. Nos procédures locales, nos mémos et notes de service, que nous pouvions faire selon le besoin, doivent maintenant être préapprouvés par notre chef de service.

     

    Une perte de services dans les régions

    La démarche Optilab semble prendre du mou. Quand on consulte le site du CIUSSS du Saguenay Lac-Saint-Jean, sous l’onglet Optilab, on constate l’immense retard de ce projet. Le plan de main-d’œuvre (qui n’est toujours pas disponible pour notre région) lui y est toujours. On prévoit toujours une diminution de 39,7 équivalents temps complet, soit environ 44 % de la main-d’œuvre des laboratoires d’Alma, Dolbeau, Jonquière, La Baie et Roberval. Nous ne parvenons pas non plus à connaitre notre futur menu d’analyse de la part de notre nouvel employeur.

    Je suis inquiet pour mon avenir et celui des laboratoires. L’employeur nous demande d’être attractif, mais j’ai de moins en moins à offrir et pour combien de temps encore ? J’en ai assez de voir comment on nous traite dans le réseau de santé et de services sociaux et je songe moi aussi à une nouvelle carrière. Ce n’est pas le travail qui n’est pas intéressant, mais les conditions dans lesquelles on doit maintenant se plier. Espérons que notre action syndicale parviendra à freiner ce projet insensé.

    Patrick Léveillé
    Président STTCRSSSBJ-CSN
    Employé du CIUSSS du Saguenay Lac-Saint-Jean
    Technologiste médical à Lebel-sur-Quévillon (Lebel-sur-Quévillon — Chicoutimi : 591 km)